au milieu des choses au centre de rien #6
Elisa Florimond - Cinéma L’Épée de Bois

Sans rien voir au dehors sans entendre aucun bruit

Victor Hugo



« Peut-être surprendras-tu ainsi
l’espace d’un instant
d’une brisure
l’éclat primitif
du feu de nos origines. » (1)


Allongé•e•s sur le sol étoilé du cinéma, nous avons regardé défiler les images.


Roches, mains, oiseaux, nuage et fumée, nuages de fumée, couloirs.



Elles se sont données à nous comme une vague qui termine sa course avec fracas et grâce, s’échouant sur la toile de la serre tout à la fois salle de projection et écran, avant de se retirer  dans un ballet millimétré.


Roches, mains, oiseaux, nuage et fumée, nuages de fumée, couloirs, bassines, pieds, fleurs, feuilles, sites, soleils et phares éblouissants.


Elles ont profité d’une brèche pour s’infiltrer en nous, se sont mêlées dans une association arbitraire et aléatoire, une procession qui nous a donné l’impression d’avoir accès, par bribes, à toutes les images que notre œil pourrait un jour  rencontrer.


Roches, mains, oiseaux, nuages et fumée, nuages de fumée, couloirs, bassines, pieds, fleurs, feuilles, sites, soleils, phares éblouissants, fusées, crânes, troupeaux, lunes, feux follets et boussoles à déchiffrer.



À l’intérieur comme à l’extérieur de la serre, les ombres portées convoquent des histoires pour certaines peut-être déjà projetées en ces murs. Reliques narratives élues par Elisa Florimond, elles sont comme des icônes que l’artiste adore et partage avec nous dans ce dispositif de monstration autonome qui devient, par son intervention, un lieu de recueillement inédit. Les particules de poussière qui nous apparaissaient dans le faisceau lumineux de la projection, se sont évanouies au profit d’un autel à la méditation.










Roches, mains, oiseaux, nuage et fumée, nuages de fumée, couloirs, bassines, pieds, fleurs, feuilles, sites, soleils, phares éblouissants, fusées, crânes, troupeaux, lunes, feux follets, boussoles à déchiffrer, chemins, paraboles, fougères, briquets, télés, pupilles dilatées, pyramides de fer et d’Égypte, genoux, poings, ballons, trous et aventuriers.



L’installation, composée de deux projecteurs, s’apparente à une chorégraphie dirigée par l’artiste et par le hasard des algorithmes. Se succèdent 672 captures de films comme des étincelles à l’origine d’autant de narrations que de combinaisons possibles entre ces images qui s’entrechoquent délicatement et semblent se choisir. Au seuil de la serre, une troisième projection demeure dissimulée, symbole accueillant et discret qui participe aussi à la construction de l’atlas mental et tentaculaire d’Elisa Florimond.


Roches, mains, oiseaux, nuage et fumée, nuages de fumée, couloirs, bassines, pieds, fleurs, feuilles, sites, soleils, phares éblouissants, fusées, crânes, troupeaux, lunes, feux follets, boussoles à déchiffrer, chemins, paraboles, fougères, briquets, télés, pupilles dilatées, pyramides de fer et d’Égypte, genoux, poings, ballons, trous, aventuriers, mers, loupes, chats, bagues, toits, tunnels et vérandas.




Niché•e•s au cœur du cinéma L'Épée de Bois, empreints de l’étrange sensation de ne pas avoir le droit d’être là, nous avons été les seul•e•s témoins de ce défilé hypnotique et silencieux.


Roches, mains, oiseaux, nuage et fumée, nuages de fumée, couloirs, bassines, pieds, fleurs, feuilles, sites, soleils, phares éblouissants, fusées, crânes, troupeaux, lunes, feux follets, boussoles à déchiffrer, chemins, paraboles, fougères, briquets, télés, pupilles dilatées, pyramides de fer et d’Égypte, genoux, poings, ballons, trous, aventuriers, mer, loupe, chat, bagues, toits, tunnels, vérandas, voitures brûlées, masques, pics, roses, avions, centrales, tancarvilles, gazons, rats, grenouilles, verres d’eau…




Tour à tour inquiet•e•s, exalté•e•s et ému•e•s face aux échantillons ravis par l’artiste, nous avons rattrapé le temps perdu et essayé d’apprendre par coeur ce poème visuel fait de captures volées pour tenter de repartir avec un bout de la fresque, pour toujours nous souvenir du chemin qu’il faut arpenter pour accéder à « l’éclat primitif » des sensations que l’œuvre a réveillées en nous.


emploi fictif



1.  Emmanuel Dongala, Le feu de nos origines, Paris, Actes Sud, 2018, p. 4. 




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Visuels - Vues de l’exposition « au milieu des choses au centre de rien #6 », 17 avril 2021, Cinéma L’Épée de Bois. © Elisa Florimond, Arthur Guespin, emploi fictif. 



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