au milieu des choses au centre de rien #4
Hugo Vessiller--Fonfreide - Villa mais d’ici


seul ce qui brille —

C’est par l’énergie déployée – au sens propre comme au figuré – par l’artiste Hugo Vessiller--Fonfreide, que la serre d’Arthur Guespin s’est convertie en territoire magnétique  sous le hangar de la Villa Mais d’Ici à Aubervilliers.

L’installation se veut un dialogue avec Arthur Guespin, qui donne à voir les énergies invisibles, naturelles et artificielles avec lesquelles nous cohabitons. Cimetière alcalin éclairé par la sculpture-lampe de l’artiste, l’ensemble se conçoit comme un état des lieux du rapport que nous entretenons avec les biens de grande consommation. Caractéristique de l’obsession de l’artiste pour des objets dont il dissèque les composantes techniques, l’œuvre pensée par Hugo Vessiller--Fonfreide, libre inspiration d’une série de tableaux dans lesquels il prend des piles pour modèles, est un compendium de ses recherches plastiques passées et présentes.


Chaque pile, perdue dans un flot où l’on se surprendrait presque à vouloir plonger, est un objet catalyseur de fantasmes autrefois légitime désormais démodé. Un temps synonymes de la réalisation de toutes nos utopies, ces condensés d’énergie portatifs encombrent plus qu’ils ne libèrent ; progrès chimériques entraînant une relative maîtrise d’énergie dans des circuits fermés, ils immortalisent une forme d’échec collectif embarrassant. Installation monumentale construite par l’accumulation d’objets constituant un bloc indivisible et quasi-mouvant, l'œuvre nébuleuse d’Hugo Vessiller--Fonfreide inspire autant qu’elle inquiète. La présence de ce corps ondoyant composé de déchets toxiques et délétères devient une manière pour lui de nous rappeler que la dématérialisation de plus en plus prégnante dans nos modes de productions « ne s’accompagne pourtant pas d’une réelle épuration de la sphère matérielle (1) ».


La puissance lumineuse des tubes fluorescents semble être alimentée par un transfert d’énergie généré par la multitude d’éléments disparates sur lequel il repose. Comme pour sublimer ces rebuts séduisants, la torche conçue par l’artiste fait reluire cette avalanche d’objets singuliers aux inscriptions et provenances les plus diverses. Signes à déchiffrer, les nombreux messages délivrés par ces bâtons jetables et chimiques convoquent un langage cryptique dont l’artiste s’empare aussi dans ses toiles. Mettant ici en lumière ces objets jusqu’alors profondément ancrés dans nos sociétés et malgré tout en train de s’en abstraire sans que l’on n’en ait véritablement conscience, l’installation évoque une obsolescence non programmée et pourtant effective, une temporalité qui nous dépasse, une dégénérescence active sur laquelle nous n’avons déjà plus aucune prise.



Le caractère esthétique de cette marée métallique s’est révélé à mesure que le soleil s’en est allé, jusqu’à devenir un territoire dystopique, timidement caché par la toile à peine opaque du dispositif d’exposition. Une fois la nuit tombée et aperçue de loin, la serre est un point lumineux parmi d’autres, un lointain souvenir de nos envies passées, un astre déjà mort qu’on ne peut pas s’empêcher d’admirer. Une fois seule dans l’obscurité, l’installation s’est changée en constat évident, terriblement beau mais pesant : il est dans la nature humaine de vouloir s’emparer de tout ce qui brille.


Devenue espace d’exposition impraticable, l’installation n’est plus visible que de l’extérieur. Depuis ses lucarnes s’observe un sol jonché de piles qui scintillent comme autant de munitions sur lesquelles marcher devient un acte périlleux. Elles sont le souvenir impérissable – ou presque – d’un passé qui ne semble pas vouloir s’effacer, d’objets qui ont peuplé nos quotidiens et dont l’essence – bien qu’eux ne soient plus – persiste.



emploi fictif

1. Hugo Vessiller—Fonfreide, Des objets au travail - attaque éclair, 2018.



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Visuels - Vues de l’exposition « au milieu des choses au centre de rien # 4 », 27 mars 2021, La Villa mais d’ici.

© Hugo Vessiller--Fonfreide, Arthur Guespin, emploi fictif.



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