Idiomes graphiques peints sur bois, facsimilés d’armes à feux et sculptures acier constituent l’univers sémiotique fait de fétiches attrayants et pensé par Hugo Vessiller--Fonfreide. Un agencement de motifs avec lesquels il joue en plaçant ses objets lumineux futuristes au centre d’un décor anachronique, balisé de signes qui caractérisent nos modes de vie productivistes.

Les panneaux polychromes aux allures d'icônes dispersées au mur semblent alimenter l'œuvre centrale – une échelle qui fait office d’axe décentré du monde – et sont empruntées aux fabricants de ces piles vintages déjà utilisées par l’artiste. Ces objets déchus de nos sociétés et détenteurs d’une charge électrique inactive, conservent une dimension nostalgique malgré leur relative dangerosité et représentent pour l’artiste une nomenclature de formes et de couleurs qu’il s’attelle à déployer. Dans cette installation à l’échelle de la galerie, l’artiste rend ainsi palpables les flux qui nous sont d’ordinaire imperceptibles et souligne le potentiel esthétique de phénomènes impondérables et fugaces. Habitué à figurer l’électricité sous toutes ses formes, l’artiste vient ainsi sonder ces transferts d’énergie dans une mise en scène visuellement saturée dont les pièces sont les dernières sources lumineuses.

Les pièces qui composent l’exposition d’Hugo Vessiller--Fonfreide sont les éléments d’une scénographie cinématographique. Il nous faut ainsi déchiffrer du dehors une verrière incandescente où des piles aux allures de munitions sont magnifiées au sein d’une sculpture métallisée – rendant compte d’une transformation d’une salle à l’autre – et des fusils en bois, dépossédés de tout caractère dangereux, tiennent en équilibre sous forme de bûchers ininflammables. De même, le son perceptible dans la première salle produit une vibration parfois proche du drone dont on ne perçoit la source qu’après avoir arpenté le couloir. De nos pas ou encore du passage des trains émanent des bruits impalpables, accentués par un amplificateur sonore. Relique d’une expérience musicale tricéphale polyrythmique initiée le soir du vernissage, il diffuse une sorte de bande originale de l’ensemble dont la cadence est déterminée par l’extérieur.

Les objets et phénomènes culturels qu’il travaille en série sont toujours l’œuvre de la main humaine. Hugo Vessiller--Fonfreide entretient, en effet, une fascination pour l’anthropisation et ses dérivés, pour « ce qui ne peut être écrit ni dit mais qui nous préoccupe grandement ». Parfaitement artificiels – comme la source lumineuse qui guide le spectateur à travers un couloir faisant office de catalyseur – les sujets isolés par l’artiste sont sans cesse réagencés en décalage de leur fonction. S’il joue avec les composantes internes à l’ampli pour produire des sons bruts et expérimentaux, il en est de même pour les autres constituants de son installation lorsqu’il extrait de leurs systèmes des éléments pour recomposer un signal.

Créant du signifiant à partir de formes  qui ont été vidées de leurs sens, il lutte pour retrouver un lien avec la matière et créer en nous un regain d’intérêt pour ces produits manufacturés qui nous sont devenus étrangers. De cette manière, l’artiste fait le répertoire des mythes qui composent notre société et propose le décryptage d’une certaine actualité. Déniant l’obsolescence de ces objets affectifs ou même leur caractère nocif, Hugo Vessiller–Fonfreide réalise une enquête matérielle et technique qui s’apparente davantage à un état des lieux plutôt qu’à une analyse sociologique ou une simple condamnation. Il élabore ainsi des subterfuges pour se les réapproprier et nous permettre de nous réconcilier avec ce qui nous entoure, souvent nous encombre et que l’on préférerait parfois enterrer.

emploi fictif

Pour suivre le travail d’Hugo Vessiller--Fonfreide c’est >là<.

© Balthazar Heisch & Sarah Lolley



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