au milieu des choses au centre de rien #10
Raphaël Massart - TEP de Menilmontant



construction d’équipe 


Raphaël Massart est de ceux qui tiennent des séminaires au mois de juin, sous un soleil de plomb à la Terre d’Écologie Populaire de Ménilmontant. Un artiste-entrepreneur donc puisqu’il a réussi à réunir une équipe de collègues-sans-le-savoir pour une presque présentation powerpoint programmée en plusieurs étapes.


Ses œuvres - toile de fond de ce séminaire en extérieur - se sont faufilées dans la “jungle”, tantôt posées au sol, accrochées à un arbre, assoupies dans la serre d’Arthur Guespin, tantôt suspendues à l’entrée de l’habitacle bâché, en lieu et place de message d’accueil et d’avertissement aux participant•e•s du jour. 

Apprendre à serrer une main avec tendresse


Maniant d’une main de maître le vocabulaire de la start-up qu’il tourne en dérision tout en restant de marbre, Raphaël Massart nous a invités à serrer des mains, à nous qui pensions ne plus jamais avoir l’opportunité de le faire. À l’aide de gants rembourrés et articulés pour l’occasion, nous avons palpé, serré et réappris à toucher l’autre avec bienveillance sur le son d’un Wikihow récité par sa voix robotisée.


Team building through food

L’étape suivante est consacrée au thème coutumier de l’alimentation au travail, moment de partage et temps privilégié pour consolider les bases de relations professionnelles naissantes. À l’occasion de cet atelier, la nourriture - matérialisée sous la forme de morceaux de pain secs - devient à son tour corporate. Aliment cyborg, le pain dur se change en consommable high tech, revêt une dimension curieusement séduisante par ses étranges vrombissements et dans sa capacité nouvelle à vibrer, se mouvoir et s’évader.


Faire des liens

Inspiré par la magie blanche et sorcière auto-proclamée, Clément Rosenberg, intervenant invité du séminaire, propose d’engager une réflexion à plusieurs autour du “lien” sous la forme d’un atelier créatif. Après quelques lectures méditatives visant à ouvrir notre esprit sur cette thématique cruciale, il nous offre la possibilité de repenser le phylactère comme objet pour écrire ou dessiner une histoire en commun.
Security checkpoint

L’éternel atelier pâte à sel se substitue ici par la reconstitution par Raphaël Massart d’une phrase à haute teneur spirituelle et qui s’apparente à un mantra philosophique d’une pancarte tout droit sortie d’une usine Gifi. Sorte de mot d’ordre, le slogan est répété à voix haute par l’assemblée ; il fédère et insuffle l’esprit de groupe tant convoité “Oh yeah Oh yeah hum Oh fuck it feels so good to come back home”.
Keeping contact

La journée s’achève par une mise en scène collective de ce bon moment passé ensemble. Pour éviter les faux-semblants, l’artiste nous laisse spéculer sur une ultime question censée conclure parfaitement cette journée de communion : “quelle image souhaitez-vous laisser à vos coworkers ?”. Chacun•e d’entre nous doit alors endosser son plus faux sourire. 

Les références à l’univers médiéval, tant dans les formes usitées - lettrines gothiques en pâte à sel, roue médiévale ou référence à une période d’hallucinose dijonnaise du XXe siècle - et les allusions à la sorcellerie, se mêlent à l’atmosphère qui caractérise le monde de l’entreprise à l’heure du néolibéralisme d’une manière anachronique et décalée.

À travers les divers jeux visant à créer une ambiance propice au travail dans un esprit d'efficience toujours renouvelée, symptomatique d’un management au champ lexical et aux pratiques extrêmement codifié.e.s, Raphaël Massart a organisé une journée d’exception pendant laquelle chacun•e aura pu créer (ou non) des contacts, networker en extérieur, étoffer son LinkedIn IRL.

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Visuels - Vues de l’exposition « au milieu des choses au centre de rien #10 », 6 juin 2021, TEP de Ménilmontant. © Raphaël Massart, Arthur Guespin, emploi fictif. 



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