au milieu des choses au centre de rien #8
Thomas Buswell - Espace Jean Vilar 


serres itératives —

“Maximum de simplicité et de symétrie. Lumière aveuglante”
Oh les beaux jours (1963)
Samuel Beckett 


  Dans un élan artistique où le minime prend des proportions considérables, Thomas Buswell a offert à une rose un écrin disproportionné mais délicat sur la scène de l’espace Jean Vilar.

Les quatre serres semblent posées sur une étendue huilée, mer pétole où les réverbérations de la lumière jouent avec notre perception de l’espace. Spectacle statique, la structure se détache du fond de la scène dans un halo intriguant qui semble la transpercer. Silhouette fantomatique devenue indivisible, elle est l’unique personnage d'une pièce sans décor qui s’impose à nous dans son écrasante matérialité.

En copiste industriel, Thomas Buswell a construit trois serres qui se veulent des répliques de l’originale manufacturée en usine et reproductible à l’infini, donnant ainsi à celle d’Arthur Guespin - théâtre de création à plusieurs reprises - le statut privilégié de matrice. Les reproductions réalisées par l’artiste sont troublantes de ressemblance et seules quelques maladresses inhérentes à leur caractère artisanal permettent au regardeur attentif de ne pas les confondre avec leur gabarit industriel.






La reproduction à l’identique de cette structure sommaire, suivant un mimétisme presque troublant, questionne le caractère factice du décor, laissant entendre que la contrefaçon ne se limite pas à une simple copie. Comme une scène reproduite sous nos yeux, l’architecture autonome s’avance vers nous dans un mouvement fixe.

Caractéristique de la pratique de l’artiste qui passe par le dessin - organique, systématique et ancré dans sa réflexion plastique - avant la mise en espace, cette œuvre souligne son goût pour les formes qu’il célèbre dans cette scénographie récursive en choisissant de les laisser nues.


Tour à tour coquille vide et volume comble selon le point de vue duquel on l’observe, la surface tramée luit dans la pénombre et se démarque, phare artificiel dans la nuit, maisons éclairées qu’on observe, voyeuses et voyeurs, de l’extérieur. La lumière rasante qui s’infiltre sous les embrasures laissées entrouvertes ne fait qu’amplifier le caractère inhabité de ces structures aluminium recouvertes de bâche armée.

Jeu de répétition et d'échelle, l’installation met en lumière l’importance du mouvement dans le geste artistique de Thomas Buswell. En emboîtant les serres dans un presque effet de Droste, il illustre par la sculpture sa réflexion autour des notions de croissance et de décroissance, dans un parallèle avec la visée première de l’habitacle original dont semblent émaner les trois autres.

L’artiste applique ainsi la fonction protectrice de serre agricole à l’objet-même à travers cette démultiplication aussi absurde qu’incontrôlée. Dans cette logique de filiation, la dernière de la lignée abrite une forme naturelle à peine éclose, écho à son usage initial d'abri où les corps croissent.



En remplissant seulement la plus infime de toutes, l’artiste lui confère une importance particulière et nous rappelle par la même occasion que le plus petit est parfois le plus grand.


emploi fictif







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Visuels - Vues de l’exposition « au milieu des choses au centre de rien #8 », 12 mai 2021, Espace Jean Vilar. © Thomas Buswelll, Arthur Guespin, emploi fictif.




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