À l’occasion des journées du Patrimoine les 18 et 19 septembre 2021, emploi fictif a accompagné d’un texte la performance des artistes Victoire Gonzalvez et
Farès Hadj-Sadok à la savonnerie du Fer à Cheval, Marseille.

eau vive qui sort de terre —

   
    Née d’un échange épistolaire, la collaboration artistique de Victoire Gonzalvez et Farès Hadj-Sadok prend forme autour d’un intérêt partagé pour le leurre et le simulacre, les références religieuses et ésotériques mais encore l’art funéraire. Cette rencontre plastique se concrétise et s’épanouit au sein de la création commune d’une pièce d’envergure, emblématique des thématiques qui les animent : une fontaine entièrement conçue en savon, créée spécifiquement pour l’espace de la manufacture du Fer à cheval, savonnerie marseillaise fondée au XIXème siècle.

    Motif par excellence de l’espace public, la fontaine habille nos villes. Lieu de rencontre, elle constitue le décor souvent négligé de nos histoires de vie. Tour à tour édifice public ou domestique, élément de décor fastueux des récits mythologiques ou simple source d’eau vive qui jaillit de terre, son caractère parfois sacré et empreint d’une certaine magie, lui confère une dimension atemporelle.

    À l’instar de celle de jouvence - synonyme de régénération - l’œuvre à quatre mains de Victoire Gonzalvez et Farès Hadj-Sadok questionne le beau, le sacré, le patrimoine et l’artisanat. Elle est le fruit de leurs visions lumineuses et occultes, d’une complicité habilement cultivée et étoffée par des lettres d’amour échangées pendant plusieurs mois. Elle est aussi l’opportunité de nous glisser dans un processus créatif fait d’odeurs, de désirs, d’envies, de matières et d’envies de matières.

    Fidèles à leur goût pour la faussairerie, ils convoquent des modèles éclectiques qu’ils empruntent à différents âges architecturaux. La pièce pensée par le duo d’artiste combine ainsi ornements marins et bas-reliefs antiques pour forger un  objet baroque à l’identité trouble. Le bassin, surmonté d’une conque qui l’enserre, sur les bords duquel le sel vient se cristalliser, revêt un caractère intime. L’eau chargée en saumure qui s’en échappe permet à l’objet sculpté en savon de ne pas se déliter au contact du liquide qu’il accueille.

    L'abreuvoir féérique dont le façonnage aura lieu tout au long du samedi et dimanche 18 et 19 septembre, prendra également forme au contact du regard d’un public invité à donner de son temps. En échange, Victoire Gonzalvez et Farès Hadj-Sadok les inciteront à se munir d’une perle en savon avant de l’abandonner dans ce bassin aux vœux. Dans la lignée des ex-voto, leitmotiv récurrent dans leurs travaux, ces billes s’apparentent à des offrandes chargées de leur souhait le plus cher, qui viendront se dissoudre au fil du temps.

    Le duo interroge nos chemins de vie et les directions que nous empruntons chaque jour lorsqu’ils nous demandent de faire un vœu. Cadeau empoisonné, le souhait qui nous est offert, s’il apparaît d’abord comme une façon de compenser le temps que nous leur avons donné, est une manière de nous confronter à nos chimères intérieures. Sirènes tentatrices à l’allure inoffensive, les perles disent plus de nous que nous n’aimerions l’admettre. Elles nous font oublier le temps qui passe, telles les fleurs de Lotus offertes par les Lotophages aux compagnons d’Ulysse, sortes de dragées imaginées pour nous délester de nos désirs les plus obsédants.

    Lors de cette résidence artistique, Victoire Gonzalvez et Farès Hadj-Sadok sculptent le temps en s’emparant d’une forme pensée pour rester immuable dans l’espace de la savonnerie. Pensine aux pronostics, l’œuvre est vouée à rester sur place et à accueillir les parieuses et parieurs de demain. Happé•e•s par l’odeur de propre, séduit•e•s par la promesse des deux artistes, elles et ils viendront, à leur tour, tenter le coup. 


emploi fictif



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© visuels : Victoire Gonzalvez 
© œuvre : Victoire Gonzalvez et Farès Hadj-Sadok





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