Quand elle avait 10 ans, l’autrice américaine Susan Sontag a creusé un trou dans son jardin car elle voulait avoir un endroit où s'asseoir, une cabane, « un refuge, une cellule, un bureau, une tombe ». I Wanna See All My Friends at Once est un trou dans le jardin creusé par la bande choisie par Paulin Barthes et dans lequel on est invité•e•s à s’asseoir, un maelström provoqué par la seule force de leurs envies cousues et né comme l’amitié : de circonstances aléatoires, de fêlures et de fragilités. C’est ce jeu de hasard, indispensable lorsqu’il s’agit de nouer des relations affectives généreuses et franches qui réunit les créatrices et créateurs de I Wanna See All My Friends at Once dans le sous-sol de la galerie Chapelle XIV tout au long du mois de février 2022.


Ne faisant pas appel à une thématique précise ou même engagée, c’est donc ici la dimension affective et les connivences esthétiques qui ont poussé Paulin Barthes à associer ses ami•e•s autour d’un projet commun au titre qui dénote une dimension arbitraire voire capricieuse. Il ramène au centre des préoccupations une sincérité et une simplicité qui suffisent à légitimer cette proposition audacieuse : un takeover explosif qui prendra place au creux d’un white cube souterrain.


Réhabilitation de critères souvent dévoyés pour créer des passerelles entre les pratiques artistiques, I Wanna See All My Friends at Once, propose un espace commun où se retrouver et travailler ensemble à imaginer des formes. Dans un esprit de camaraderie et de débrouillardise affichée – faute de moyens et d’espace – il s’agit de faire vite (et bien) avec peu, pour s’infiltrer à plusieurs dans l’institution qui leur offre pour un temps l’hospitalité. Germe alors une entreprise qui s’apparente à un cheval de Troie, une démarche collective et évolutive dans laquelle le «“nous” est une affaire de liens, d’attachements, de mêlements, d’interdépendance et de dénouements ».


Hacking éthique de la galerie Chapelle XIV, cette série d’exposition vise à montrer des artistes qui se sont rencontré•e•s pendant leurs années de formation. Le panorama est loin d’être exhaustif, il s’envisage davantage comme une coupe longitudinale, un échantillon pensé avec soin et hors des critères de sélections traditionnels.  


Réuni•e•s par des liens tissés en écoles d’art et pour leur capacité à générer des univers spatialement forts et assumés, cette série de cartes blanches associe – en parallèle de la programmation du lieu – des identités affirmées qui se mélangent dans une ambiance de kermesse initiée par un ami commun.


Pensé comme un festival au sein duquel sont invité•e•s artistes visuels, designer•euse•s, musicien•ne•s et performeur•euse•s de la scène émergente, I Wanna See All My Friends at Once est comme une matrice dans laquelle s’insèrent des propositions visuelles et sonores qui se succèdent à un rythme fiévreux, une invitation à venir et revenir hanter les caves de la galerie tout au long du mois de février et à n’en ressortir qu’avec une vague idée de l’heure qu’il est.


Chapelle XIV servira ainsi de caisse de résonance à ces refrains dissonants qui s’uniront pour un temps dans ce lieu hors-sol, protégés de la ville parce qu’en dessous et surplombant pourtant la ligne des trains qui s’échappent de Gare du Nord.


emploi fictif

© graphisme du festival : Paulin Barthe à suivre de (très) près >là< et >ici<